Seize des dix-huit membres du grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinengue ont été désignés hier à la préfecture de Cayenne. Ce conseil prévu dans le cadre de la loi Égalité réelle Outre-Mer remplace l’ex-conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinengué mais reste un organe consultatif.
Il avait été prévu dans le cadre de la loi Égalité réelle Outre-Mer, et le voilà aujourd’hui en grande partie constitué. Le grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinengue connaît seize de ses dix-huit membres. Ils ont été désignés par leurs communautés respectives à huis-clos ce weekend à la préfecture de Cayenne. Ce conseil, dont les membres sont désignés pour six ans, regroupe cinq composantes : les chefs coutumiers amérindiens, ceux des Bushinengue, les représentants associatifs des Amérindiens et ceux des Bushinengue et enfin deux personnalités qualifiées désignées par la rue Oudinot. Il a pour objet d’assurer la représentation des populations de Guyane et de défendre leurs intérêts. Une des grandes nouveautés de cette institution par rapport à l’ex-conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinengue (CCPAB) est la place donnée aux chefs coutumiers. « Avant, le CCPAB était principalement composé de représentants associatifs désormais on compte douze chefs sur les dix-huit sièges » , explique Mathias Ott, sous-préfet pour les communes de l’intérieur.
L’un des autres points forts de ce conseil tient au fait qu’il est saisi mais peut aussi s’autosaisir sur toutes les questions ayant des conséquences sur l’environnement, le cadre de vie ou intéressant les activités culturelles des populations amérindiennes et bushinengue. Il pourra ainsi donner des avis préalables sur tout projet ou proposition de délibérations.
LA CAPACITÉ D’INFLUENCER LA PRISE DE DÉCISION ET D’Y PARTICIPER
Il est cependant à noter que cet organe n’a pas de pouvoir décisionnel, il reste consultatif. Bien que comme l’explique Alexis Tiouka dans une lettre d’information publiée vendredi : « La consultation, c’est aussi la capacité d’influencer la prise de décision et d’y participer » . Il y a fort à parier que le projet de la Montagne d’or soit l’un des premiers dossiers traités par l’institution. « Y a un dossier qui nous tombe dessus, c’est la filière aurifère. Il y aura des pour, des contres mais il est important que chacun se prononce » , tempère Rodolphe Alexandre, président de la Collectivité territoriale (CTG). La question foncière sera aussi au coeur du grand conseil, surtout s’il doit gérer la rétrocession des 400 000 hectares de l’État aux peuples autochtones.
DES MOYENS DE FONCTIONNEMENT
Ce conseil sera l’émanation des petits conseils de sages qui existent déjà et ils seront nos porte-paroles auprès de la population pour leur expliquer l’évolution statutaire, les états généraux, etc. Avant, avec le CCPAB, faute de moyens, c’était plus compliqué » , remarque le président de la CTG. Aujourd’hui la question des moyens est encadrée par la loi qui place le grand conseil coutumier auprès de la préfecture et des représentants de l’État. « Nous garantirons leurs moyens de fonctionnement » , affirme Mathias Ott. Si l’État a prévu de mettre les moyens, la CTG aussi s’engage à mettre la main à la poche. « Il est certain que nous aurons un deuxième ajout à faire pour les modalités de fonctionnement. Dès que j’aurais la notification du préfet je vais convier les membres du conseil dans un séminaire à la CTG de manière à ce qu’ils puissent apprendre comment fonctionne la Collectivité » , assure Rodolphe Alexandre.
ARRIVER AU CONSENSUS
La balle est maintenant dans le camp de la ministre des Outre-Mer qui devra désigner dans les prochaines semaines deux personnalités qualifiées pour siéger au sein du conseil. « Il n’y a pas de critères pour désigner ces deux personnalités car il faut qu’on choisisse les personnes les plus consensuelles qui représentent les communautés mais qui apportent en même temps une qualification, un regard expérimenté afin d’éclairer les débats » , indique Mathias Ott. Les membres devront ensuite établir un règlement intérieur qui comme l’explique Alexis Tiouka pourrait être un outil permettant d’éviter la paralysie dans laquelle se trouvait l’ex-CCPAB. « Il semble nécessaire de garantir une méthodologie de travail permettant la recherche du consensus au sein de cet organe. Cela pourrait notamment être encadré par une procédure inscrite au règlement intérieur » . Enfin, le grand conseil devra élire son président et son bureau pour trois ans. De grandes attentes pèseront alors sur leurs épaules.
Les membres du grand conseil coutumier
Capitaines bushinengue :
Bruno Apouyou (Kourou)
Jospeh Ateni (Macouria)
Chimili Boussoussa (Papaïchton)
Thomas Toukouyou (Apatou)
Théo Balla (Papaïchton)
Simmonet Doudou (Papaïchton)
Associations bushinengue :
Aouegi Lamouraille (Mama Bobi)
Philippe Bangali (Bushi Nenege Fuka)
Chefs coutumiers amérindiens :
Sylvio Van der Pilj (Balaté)
Kawet Sintaman (Taluen)
Guy Barcarel (Camopi)
Jean Narcis (Norino)
Roland Sjabere (Prospérité)
Associations amérindiennes :
Jean-Philippe Chambrier (Foag)
Christophe Pierre (Jeunesse autochtone)
Christophe Pierre, membre du grand conseil coutumier pour la jeunesse autochtone : « On est acteur des changements »
Y-a-t-il eu des désaccords lors de la désignation ?
On a débattu longuement très longuement d’ailleurs et on a dû demander une aide à l’autorité coutumière pour trancher. Elle nous a fait une proposition qu’on a suivie.
Quels seront les enjeux de ce conseil ?
Le premier chantier ce sera l’élection du bureau, la rédaction du règlement intérieur. Il faudra expliquer aux chefferies comment ça va fonctionner, être pédagogue et donner l’accès à l’information. Ensuite, il y a l’évaluation de la convention 169 relative aux droits des peuples autochtones de l’organisation internationale du travail. il ne faut pas oublier les 400 000 hectares, le permis de chasse, etc. Il y a énormément de chantiers puisqu’il y a six domaines de compétences et c’est vrai qu’on aura besoin d’un accompagnement pour vraiment traduire en language juridique ce que nous voulons.
Quelle est la grosse différence entre le CCPAB et le grand conseil coutumier ?
Déjà, il est beaucoup plus connu.
Aujourd’hui il y a eu une forte mobilisation, on est dans une phase où on est acteur des changements qui vont être opérés dans le cadre d’énormément de prises de décisions donc l’outil on va s’en saisir et s’en servir. La prochaine étape c’est de savoir comment on va fonctionner entre nos deux communautés.
Bruno Apouyou, membre du grand conseil coutumier comme capitaine de Kourou : « Nous avons plus de pouvoir »
Comment s’est déroulée la désignation des membres ?
Il n’y avait pas de difficulté pour désigner les membres chez les Bushinengue. Ça fait presque un an qu’on se réunit entre chefs coutumiers. Vu que je faisais déjà partie du CCPAB j’avais des connaissances et des explications à donner pour que nous puissions travailler ensemble ce qui nous a permis d’arriver à un consensus rapidement.
Quels sont les enjeux de ce conseil coutumier ?
Nos enjeux sont ceux que rencontrent tous les Guyanais. Aujourd’hui tout le monde parle de la Montagne d’or. Nous, à l’époque, ce qui nous occupait vraiment c’était la déscolarisation de nos jeunes, la santé de la population du fleuve, tout ce qui avait trait à la santé, l’orpaillage clandestin, etc. Ce sont des choses sur les quelles on a travaillées et sur les quelles on va continuer à travailler.
Qu’est-ce qui change avec ce grand conseil consultatif ?
Nous avons plus de pouvoir et nous auront un budget, donc plus de moyens pour organiser les réunions et les APA (Accès aux ressources génétiques et Partage juste et équitable des Avantages liés à leur utilisation).
Fonte: http://www.franceguyane.fr/actualite/politique/le-grand-conseil-coutumier-enfin-cree-388972.php
Acessado em 15/02/2018